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Jeunes Communistes de l'Hérault
14 février 2010

Les auto-entrepreneurs

Il y a peu de temps, l'Université nous a organisé une réunion avec des acteurs du tissu économique local. L'objectif était de nous présenter le fameux statut d'auto-entrepreneur, que les enseignants nous vantent à tour de bras depuis le début de l'année, mais sans trop savoir de quoi il s'agit. Nos interlocuteurs sont quatre jeunes dynamiques qui ont choisi de devenir leurs propres patrons dans le but de, selon eux, ne plus subir la méfiance des employeurs concernant les spécialistes en nouvelles technologies. Étudiant moi-même dans une filière basée sur les nouvelles technologies, je décide de les écouter attentivement.

Ce statut, éperon de la lutte contre le chômage de Sarkozy, permet à n'importe qu'elle personne de créer une micro-entreprise pour déclarer, soit une activité qui se fait traditionnellement au noir (ménages, cours de soutiens, bricolage), soit une activité spécialisée mais que les entreprises ne recrutent que peu ou pas (technicien informatique, agent de maintenance des réseaux...). Ce statut n'est pas encore très développé en ce qui concerne les services aux personnes (en concurrence avec les chèques emploi-service) mais attire de plus en plus de professionnel des nouvelles technologies. Il suffit de se déclarer auto-entrepreneur via internet et un mois après tous les papiers sont réglés. Les revenus de l'auto-entreprise se déclarent aussi par le net et les paiements des charges se font par virements automatiques tous les trimestres, si il y a eu des rentrées d'argent seulement.

Pour tout vous dire, ça m'a paru étrange. Je me suis demandé où était l'embrouille, en fouinant un peu sur les sites de l'INSEE et sur les blogs de certains entrepreneurs, voici ce que j'ai découvert :

emploi_precarite_charbAujourd'hui on dénombre environ 270 000 auto-entrepreneurs, le gouvernement, et le MEDEF, fanfaronnent autour de ce succès rapide en tout juste un an d'existence. Cependant seul 59000 déclarent une activité, et seul 47 500 un bénéfice... Pire, pour 70% des derniers cités le revenu mensuel moyen s'élève à 775€ nets. En plus s'inscrire à ce statut fait perdre les droits au chômages et si aucun chiffre d'affaire n'est fait dans les 12 mois premiers mois, le statut d'auto-entrepreneur est perdu.

Ce statut est très prisé par les jeunes travailleurs du tertiaire, mais il faut dire aussi qu'ils n'ont souvent pas le choix. La crise a servi de prétexte à de nombreuses entreprises pour licencier massivement dans certains domaines, en particulier les NTIC(*) qui concentrent un grand nombre de jeunes. Ces jeunes ont été incités à devenir auto-entrepreneur, du coup leurs anciennes entreprises peuvent les ré-employer mais sans payer de charges car ils n'y sont plus salariés, et en les payant à leur guise.

Ce statut est donc source d'une nouvelle précarité chez les jeunes, mais aussi chez des salariés plus âgés qui exercent des métiers très spécialisés et dont les entreprises n'ont pas un besoin permanent. La fameuse flexibilité, chère au CPE/CNE, combattue par les salariés, ouvriers et jeunes refait son entrée par la petite porte. Sarkozy peut fanfaronner avec son nouveau capitalisme, son capitalisme humain : les processus d'exploitation sont identiques, ils ont même tendance à empirer car ce statut qui peut concerner théoriquement toutes les activités est une attaque au principe du contrat de travail. D'une manière insidieuse on annonce que les auto-entrepreneurs seront leurs propres patrons, et qu'il s'agit donc d'une possibilité d'émancipation. Ne nous y trompons pas, les auto-entrepreneurs sont toujours exploités par le capital, ils ne sont patrons que de leur force de travail. Les outils de productions et le fruit de leur travail appartiennent toujours aux entreprises, à la différence qu'il n'y sont plus liés par un contrat garantissant leurs droits.

Je conclurais en donnant l'exemple d'un court métrage diffusé ce matin par une émission satirique. On y voyait un jeune, fier d'être auto-entrepreneur, fier d'avoir pris sa carte au MEDEF et fier de nous annoncer qu'il était maintenant patron. Le tout prenait fin quand il commençait à faire la manche dans le métro, arguant que désormais les gens qui lui donnait étaient de fait devenu ses collaborateurs. Cela résume bien le problème du statut d'auto-entrepreneur : on a beau donner l'impression qu'il s'agit d'une avancé importante en jouant sur le mythe du «self-made-man»(**), ce n'est qu'une atteinte de plus aux droits des travailleurs.

Nicolas COSSANGE.

NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, très à la mode mais personnes ne peut vraiment le définir.

Self-made-man : littéralement, «l'homme qui s'est fait tout seul». Symbole du rêve américain (il y a encore des jeunes qui y croient) il est un des piliers du capitalisme dit humain.

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